&&. Declan A. Warrens ; But the wind in your wings blows them out ••

« Avant »… avant qu’il ne souffre tous les maux, avant qu’il ne se torde de douleur, sans pouvoir pousser un cri. Avant qu’il ne connaisse enfin la perfection de tout être vampirique. Avant sa mort. Avant tout cela, il n’était qu’un enfant, un jeune orphelin qui avait tenu la main de ses deux parents, alors qu’ils se mourraient de la peste rouge. Declan n’avait pas pleuré, jamais. Il avait tenu bon, avait promis à sa mère de vivre, quoiqu’il arrive. La peste ne l’avait pas touché, ce qui était tout sauf normal, après avoir côtoyé durant des semaines ses deux parents. Son père lui, avait versé ses premières larmes. Du moins, les premières que Lan avait pu voir. Elles lui avaient fait peur ces larmes : un homme ne pleure pas. Un homme n’est que force et virilité. Si même son père pleurait alors… c’est la première fois sans doute, qu’il s’aperçu à quelle point la situation était désespéré. Qu’il se retrouverait seul, qu’il ne pouvait pas en être autrement. Sa mère et son père étaient tout deux au plus mal, ils ne lui serraient même plus la main, n’ouvraient qu’à peine les yeux, et sa maman si douce n’était plus capable de lui sourire, comme elle l’avait tant fait, avant.

Il s’appelait Declan Aaron Ashmore. Ses prénoms lui venaient de son père, bien sûr, et de son grand-père maternel. Il en avait toujours été excessivement fier. Il se sentait comme une représentation de sa famille entière, et comptait bien en être digne. Sa mère était la fille d’un homme du clan McShore, plus loin à l’est du pays. Beaucoup à la ville, considéraient les membres de ces clans comme des parias, des gueux, des gens sans aucune culture. Son père, lui-même originaire de la ville d’Edinburgh, avait souhaité vérifier ces dires par lui-même, et était allé se perdre dans les environs des Highlands. C’est là, qu’il avait fait la connaissance de celle qui deviendrait sa femme, et de son clan… il aurait sans doute pu y rester sa vie entière, la vie étant certes rude mais tellement plus chaleureuse qu’à la ville, là où tous ces gens se pensaient au-dessus de tout. Pourtant, son père et sa mère rejoignirent Edinburgh, pour une raison qu’il ignore car il n’a jamais pensé à en demander la cause. A ce moment plus que jamais, puisqu’il ne pensait qu’aux cadavres de ceux qui lui avaient donné la vie, gisant dans leur lit, dans leur petit appartement de centre-ville. Declan les avait abandonné, comme le lui avait fait promettre sa mère. Elle ne voulait pas qu’on l’emmène, qu’on le brûle avec eux : tout le monde serait forcément persuadé que le garçon serait malade, alors qu’il n’en était rien. Alors, il avait pris son courage à deux mains, son baluchon et ses larmes avec lui, avant de quitter sa maison, sachant pertinemment qu’il n’y reviendra jamais. Il avait alors 12 ans, et ignorait encore tout du monde. Le premier endroit qui lui vint à l’esprit, fut le clan de sa mère, bien qu’il ignorât totalement la direction qu’il devait prendre pour le rejoindre. Peu importe… durant des jours, il marcha droit vers l’Est.

Il ne trouva jamais le clan, en débusqua un autre, le clan McAllister, qui l’accueillit à bras ouverts. Là-bas, il fut choyé, nourrit. On le gâtait à outrance, alors que d’autres lui parlaient déjà comme un homme, vantant son courage. Il avait retrouvé une famille, en quelque sorte. Lui qui n’avait plus sourit depuis des mois, trouva enfin ici, près des Higlands, plus de raisons de rire qu’il n’en avait jamais eu. Ici, il connu pour la première fois les plaisirs de l’amour, de la chair, de l’amitié… rien n’était comparable à ce qu’il avait vécu à Edinburgh, qu’il jugeait à présent froide et sans cœur. Jusqu’à ses 17 ans, il reste profondément attaché à ce clan, duquel il faisait maintenant parti. Beaucoup avait oublié semble-t-il, qu’il n’était pas né là. C’est qu’il faisait preuve d’un instinct extraordinaire, et son adresse lui avait vite valu les remarques plaisantes des guerriers aguerris et des plus habiles chasseurs. Son orgueil cependant, gonflait à vu d’œil… et il détestait cela, cette fierté qui prenait bientôt plus de place que sa gratitude, que son amour pour ceux qui l’entouraient. Et comme il semblait destiné à agir de cette façon, il parti, de nouveau. Il abandonna tout ce qu’il avait aimé, tout ce qui lui était le plus cher, sans un regard, sans un « au revoir ».

Avant, il n’aurait jamais pensé pouvoir dépasser les limites de sa ville natale. Pourtant, il se trouvait maintenant en proie à un choix monstrueux : où allait-il allez à présent ? Et… qu’allait-il chercher ? Il découvrit d’abord l’Angleterre, puis l’Irlande, quittant ensuite ses îles pour la France, l’Espagne, l’Italie, La Finlande… il lui semble parfois avoir vu plus de choses en ces quelques années, qu’il ne l’aurait fait de toute une vie. Il ne garda pas beaucoup d’attaches cependant, quoique inconsciemment, il essayait toujours de trouver une femme qui ressemblait à sa mère, capable de lui parler avec tout autant de douceur et de compassion. Une famille, c’est évidemment cela qu’il recherchait. Parce-qu’il était seul. Tellement seul, qu’il n’était pas sûr de pouvoir vivre ainsi longtemps. C’est au crépuscule de ses 19 ans, qu’il rencontra un certain Lewis Warrens, alors qu’il découvrait pour la première fois, une île appelée Islande. Il fut transcendé par la gentillesse et la douceur qui émanait de cet homme, et pour la première fois depuis longtemps, depuis qu’il avait quitté son clan, il fut profondément heureux, devinant qu’il avait peut-être trouvé sa place, au côté de cet homme, qui lui paraissait rassembler à la fois père, et mère. Mais le sort s’acharnait, et c’est là seulement, que les premiers symptômes de la peste se firent sentir. Comment avait-elle pu couver si longtemps ? Impossible de trouver une réponse à cela, d’autant plus qu’il avait pu attraper le virus dans n’importe quelle autre ville. Le souvenir douloureux d’Edinburgh, et de sa mère aux yeux morts, lui revint, et alors, ce ne fut plus que cri d’agonie. Pourtant… il lui avait promis, promis à sa douce maman qu’il ne se laisserait pas mourir. Qu’il ne se laisserait pas brûler. Alors il supplia Lewis de le sauver, n’importe comment, mais qu’il ne le laisse pas mourir, qu’il ne lui demande pas de trahir ainsi la promesse faîtes à sa mort… il fallait qu’il le sauve. Il le fallait.

« La Douleur. Innommable et omniprésente. Elle m’entoure, me ronge. A l’intérieur, à l’extérieur. Je ne sais plus ce qui est vrai, de ce qui ne l’est pas. Un feu me brûle et me dévore, j’ai mal. Si mal. Et pourtant, mes pensées n’ont jamais été si cohérentes, ni si claires. C’est comme si mon corps était réduit à néant, libérant ainsi mon esprit. Mon âme ? Qu’en sais-je. Peut-être n’en possédais-je même pas avant de… Tout semble tordu et flou. J’ignore où je suis, pourquoi j’y suis. Que m’est-il arrivé ? Et combien de temps encore devrais-je souffrir ainsi ? Chaque respiration me donne le tournis tant la douleur est forte. Des langues de feu embrasent ma peau, et je ne peux rien faire. Je sais que mon corps est là, mais je suis incapable de faire le moindre mouvement. Que m’arrive-t-il ? Et… pourquoi ? »

La soif. Intense. Incapable de l’ignorer, de passer à côté, de penser à autre chose. Elle était là, et lui brûlait la gorge. La souffrance en était presque plus terrible que celle de la transformation, il avait soif, tellement soif.

Declan était resté cinq jours inconscient, sous l’emprise d’une douleur inhumaine, insupportable. Il avait sentit son cœur luter, et finalement succomber à l’assaut des langues de feu. Il en avait ressenti comme une peine immense, un chagrin intense qui ne s’effacerait sans doute jamais. Lorsqu’il s’était éveillé, lorsqu’il avait enfin pu se mouvoir de nouveau, c’était cette soif, LA soif, qui l’avait assailli de toute part. Il s’était fait violence, et méfiance, réagissant au moindre bruit, au moindre mouvement. Il s’étonnait de ses mouvements rapides et sans doute, quasiment invisible. Il lui supposait de penser, pour que l’action se fasse automatiquement, presque comme si elle était indépendante de lui-même, comme s’il ne se contrôlait plus. Il avait eu peur d’abord, de tous ces faits étranges, de cette soif, de ce corps parfaits et qui pourtant, ne lui inspirait que du dégoût. Mais Lewis ne l’avait pas quitté un seul instant, lui avait parlé avec patience et douceur des années durant, lui expliquant ce qu’il était, et ce qu’il en découlerait. Alors, doucement, le temps passant, il avait enfin réussi à prendre le contrôle de lui-même, à maîtriser sa soif et à suivre le régime sévère de celui qu’il considérait à présent comme son père. Mais s’abreuver du sang des animaux, ne lui parût jamais aussi désagréable que celui de tuer un homme, sans doute gardait-il trop bon cœur pour cela, même si parfois, certaines odeurs plus qu’alléchantes venaient lui chatouiller les narines, il se refusait à céder.

D’autant plus qu’à présent, il avait tout pour être heureux ; il avait tenu la promesse faîte à sa mère, ne se laissant pas mourir et ce pour l’éternité. Et puis, il avait trouvé une famille.

Lewis d’abord, auquel il vouait un culte sans pareil, tout plein de sa gratitude infini. Et puis, à présent, il avait ces frères dont il avait toujours rêvé : se chamaillant parfois, mais au fond toujours complices. Il les aimait passionnément : Duncan, Luca et Adam était maintenant toute sa vie.

C’était peut-être sans compter cette guerre stupide. Cette guerre qu’il a encore tant de mal à avaler, qui lui a volé son père et brisé la tranquillité de sa… nouvelle vie. Cette guerre idiote qui lui laisse encore un goût de sang, un goût amer sur la langue. Qui lui laisse entrevoir ce côté sombre derrière sa personnalité de lumière, ce pessimisme qui sa cache derrière son optimisme parfois exagéré. Il a perdu ses frères, qui se sont déchirés. Adam a commis l’acte le plus abject qui soit en goûtant la saveur du sang humain, et depuis, bien qu’il reste son frère, que peut-il faire à part lui montrer un mépris sans pareil ? Declan du monter son clan, comme les trois autres, et ce ne fut pas pour son plaisir qu’il du sélectionner ses victimes, car il ne les considéraient pas autrement, qu’il leur promette ainsi l’immortalité ou non. Il n’avait jamais mordu personne encore, était incapable de savoir s’il pourrait s’arrêter à temps pour permettre à l’humain de son choix de le rejoindre parmi les buveurs de sang. Il hésita beaucoup… jusqu’à ce que son don, soudain, lui apparaisse enfin clairement. Jusqu’ici, il avait toujours su qu’il était doté d’un pouvoir de prémonition, mais il ne savait jamais vraiment ce qu’il voyait, et pourquoi il voyait toutes ces personnes, qui lui étaient le plus souvent inconnues. Ils se mourraient. Voilà son don, mortifère au possible, il voyait les gens dont la mort était là, toute proche. Sans doute qu’en se montrant plus attentif à ses visions, verrait-il même la Mort elle-même, tapi dans l’ombre. Un pouvoir terrible, car il tremblait de voir un jour un être aimé être l’objet de ses visions. Quelle plaisir aurait-il a… le sauver ? Ou peut-être, le damner. C’est ainsi qu’il fait de son mieux pour ne pas se lier avec des humains, évitant toute perspective de souffrir. Mais il connaît et aime son clan de tout son cœur, à la folie même, son clan qui est sa nouvelle famille en quelque sorte. Et il sait, que la majeure partie d’entre eux est en contact avec ces humains… qui parfois frôlent la vérité quant à la vraie nature de leurs amis si pales. Que devrait-il faire, le jour où il verra l’une de ces créatures mortelles dans ses visions ?